Vœu sur l’interdiction de la vidéo surveillance algorithmique
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Madame le maire, mesdames et messieurs les élus,

Puteaux s’est équipé depuis une vingtaine d’années de nombreuses caméras de vidéosurveillance. Notre ville dispose désormais d’un centre de supervision utilisé par la police municipale. D’après nos calculs, et avec le rattachement des caméras disposées dans les différents bâtiments appartenant à l’office HLM de Puteaux décidé lors du dernier conseil municipal, notre dispositif de vidéosurveillance s’approche symboliquement des 1000 caméras. Ce qui donne plus d’une caméra pour 50 putéoliens, faisant de notre ville la championne française du ratio de caméra de vidéo surveillance par habitant. Dans le même temps, en 2023, dans le cadre de l’article 7 du projet de loi relatif aux Jeux Olympiques 2024, le gouvernement entend légaliser la vidéosurveillance algorithmique (VSA). Il s’agit ainsi de satisfaire aux demandes des industriels et de certains responsables du ministère de l’Intérieur pour permettre, via une simple autorisation préfectorale, le couplage de l’Intelligence artificielle aux caméras de vidéosurveillance disposées dans les lieux publics ou placées sur des drones.

Qu’est-ce au juste que la vidéo surveillance algorithmique ? Il s’agit d’un type de logiciels consistant à automatiser l’analyse des flux de vidéosurveillance pour déclencher des alertes à destination des forces de police ou de sécurité dès lors que des « comportements suspects » sont repérés. Il peut par exemple s’agir du fait de rester statique dans l’espace public, de marcher à contre-sens de la foule, de se regrouper à plusieurs dans la rue ou encore d’avoir le visage couvert. Ces logiciels peuvent aussi suivre automatiquement le parcours d’une personne dans un territoire à l’aide d’attributs biométriques tels que la taille, le fait d’être perçu comme homme ou femme, ou encore la couleur de ses vêtements. Demain, il suffira de croiser ces technologies avec divers fichiers pour pratiquer massivement l’identification par reconnaissance faciale — une fonctionnalité que proposent déjà de nombreuses startups et industriels positionnés sur ce marché, à l’image du logiciel Briefcam, dont les logiciels sont déployés dans plus de 200 communes françaises.

Ces technologies ne sont pas de simples outils d’« aide à la décision » : C’est un véritable changement d’échelle et de nature dans la surveillance de la population, installant dans nos sociétés démocratiques des formes de contrôle social qui sont aujourd’hui l’apanage de pays autoritaires comme la Chine. C’est ce qu’ explique la CNIL lorsqu’elle écrit que l’article 7 « ne constitue pas une simple évolution technologique de dispositifs vidéo, mais une modification de leur nature », ajoutant qu’un tel déploiement, « même expérimental, (…) constitue un tournant » . La Défenseure des droits met également en garde1 contre la VSA : selon elle, « le changement de paradigme » induit par le passage des « caméras de vidéoprotection « classiques » vers des dispositifs aux capacités de détection et d’analyse algorithmiques poussées est extrêmement préoccupant ». Elle insiste sur « les risques considérables que représentent les technologies biométriques d’évaluation pour le respect [des] droits ».

Sous couvert d’expérimentation, la loi prépare la banalisation de ces technologies tout en permettant aux acteurs privés de peaufiner leur algorithmes avant leur généralisation. Il y a fort à parier qu’une fois ces technologies achetées au prix fort, une fois les agent·es formé·es à leur utilisation, il sera pratiquement impossible de faire marche arrière.

Conscient·es du risque que fait peser la vidéosurveillance algorithmique sur la vie démocratique de nos sociétés, nombre d’élu·es de par le monde ont décidé d’interdire son usage, c’est le cas du conseil municipal de Montpellier et encore du conseil de Paris en
2022.

En conséquence, afin de prévenir toute dérive allant à l’encontre des libertés individuelles, il est proposé au Conseil municipal de Puteaux :

– d’approuver le principe d’interdiction du recours aux traitements automatisés d’analyse d’image sur la base de données personnelles ou individuelles dont la reconnaissance faciale.

lien vers le dossier surveillance biométrique :  https://www.laquadrature.net/biometrie-jo/